NOTE HISTORIQUE

NOTE HISTORIQUE

“Quand j’ai connu le quartier c’était une époque heureuse, c’était un quartier vivant, tout le monde se rencontrait, on s'auto suffisait avec tous les commerces, on avait pas besoin d’aller voir ailleurs c’était un village dans la ville…“ Jean Yves ancien facteur des Bois Blancs

En 1956 à Lille, dans l’actuel quartier de la mairie est ordonné la reconstruction, pour ne pas dire la destruction, du quartier Saint-Sauveur. Quartier ouvrier par excellence en état de délabrement dont Victor Hugo dira déjà en 1853 : 

Caves de Lille ! on meurt sous vos plafonds de pierre !

J’ai vu, vu de ces yeux pleurant sous ma paupière,
Râler l’aïeul flétri,
La fille aux yeux hagards de ses cheveux vêtue,
Et l’enfant spectre au sein de la mère statue !

En tout 2257 logements à détruire et 5400 habitants à déplacer pour la grande majorité en dehors de Saint Sauveur. Effectivement le quartier Saint Sauveur est le plus misérable de Lille. La municipalité décide donc entre 1920 et 1960 de faire place nette et la majorité de l’habitat est rasée.
Ni l’ancienne courée, maison natale de Desrousseau, ni le café de la Vignette, où fut chantée pour la première fois L’Internationale, en 1888, n’ont été épargnés par les destructions (Horizon nomade 2014).
Afin de pouvoir répondre à une partie du relogement sont construits en 1959 les bâtiments de la résidence des Aviateurs dite “cité transit de Saint-Sauveur“.

A cette époque Bois-Blanc disposait d’une activité économique en plein essor avec notamment les filatures Le Blan-Lafont.
Ce quartier accueille des ouvriers et des familles issus de la première période d’immigration algérienne. Le travail et la vie foisonnent, 58 estaminets animent ce quartier qui développe une identité forte de village ouvriers. Sont présentes jusque dans les années 80 les entreprises, Coignet, Revillon, Schneider, Mamet, Montpellier, Vinquier…

Est donné le coup de grâce en 1980 à la fermeture de la filature Le Blan-Lafont, transformée aujourd’hui en pôle d’innovation numérique.
“Avec Euratechnologies y a pas beaucoup de population qui en profite, avant que ça commence il disait, y’aura des emplois pour les jeunes y’aura un quota, au final rien, rien du tout j’en connais pas un seul qui travaille à Euratechnologies. Tous les habitants qui travaillent à Euratechnologies ils sont venus vivre ici travailler de Paris, mais bon voila on sait que les Aviateurs ça dérange c’est le seul point noir à Bois-Blancs (…)“ Un habitant du quartier.

Aujourd’hui, 60 ans plus tard, l’histoire se répète pour certains habitants du quartier. Ils vivront pour la deuxième fois consécutive un exode intra/urbain, ou intra/métropole. En tout 387 familles vont devoir partir. Exode contemporain d’une partie de la population soumise aux politiques de rénovations et du marché foncier. De la paupérisation à la gentrification, de Saint-Sauveur aux Aviateurs et des Aviateurs à Euratechnologies…

L’histoire d’un exode qui n’en finit plus, d’une classe ouvrière que l’on déplace au gré des intérêts fonciers et des choix politiques. La lutte des classes ou des places se joue dans les quartiers prioritaires.