Le recueil de la parole des habitants de la cité des Aviateurs est le point de départ de ce projet.

Cette parole est recueillie dans un contexte particulier.

Le virus du Covid a déclenché un premier confinement dit « strict » en mars 2020 et une avalanche de mesures sanitaires et d’annonces médiatiques s’étend sur toute la planète. En mai, lors du premier entretien avec Brigitte et René Sulkowski, cela fait 6 mois qu’ils ont été informés de la démolition de leur immeuble. En effet, leur cité construite dans les années 60 fait l’objet d’un plan de rénovation urbaine. En résumé, ils devront quitter leur logement mais ils ne savent pas à quelle date ni dans quelles conditions.

La première partie du documentaire « Derrière les Arbres » rapporte le récit de leur vie dans ce quartier.

Les réminiscences d’une vie sociale riche nous sont contées. Dans ce quartier populaire bordé d’eau, le souvenir chez les plus anciens, de ses deux cinémas, ses nombreux commerces de proximité et le nombre conséquent d’estaminets est toujours vivace. Nous envions alors ce passé dans l’actualité du confinement sanitaire, du repli sur soi et son lot d’informations anxiogènes.

Puis le récit personnel fait place à la logique politique d’un aménagement urbain et son lot d’acteurs et d’outils liés au « développement du territoire ». Les mots ne sont plus les mêmes. Un contraste d’époques et de représentations.

A quelques battements d’ailes de pie bavarde, Euratechnologies incubateur et accélérateur de startups regroupent pas moins de 300 entreprises dont IBM et Capgemini. Ainsi c’est aussi la gentrification qui s’en trouve accélérée et la cité des Aviateurs devient un « problème » à résoudre plus qu’un patrimoine à rénover.

Aucun des habitants rencontrés n’est surpris de ce changement en cours. Bien que les termes de « concertation » ou « démocratie participative » soient récurrents, dans les faits aucun débat ne semble avoir eu lieu. Le temps long de l’histoire fait place à l’agenda et la communication effrénée.

Ce qui se joue ici fait écho à une situation observable un peu partout dans le monde. Alors que l’actualité nous rappelle l’impératif de valoriser le local et le circuit court, recréer des lieux d’échanges physiques plus que des échanges virtuels en ligne, le contraste des discours et à l’image des architectures qui se font face, en opposition, sans dialogue.

c.g juin 2021